“Le salaire de la peur”
(La sardine, Isadora et le Teuton)

Ça va passer, elle va passer. Elle passe toujours, elle passe la première. Tu la laisses passer devant, ta peur.
C’est ta maîtresse, t’es accro, sans elle tu flippes.
T’as peur qu’elle te laisse, et qu’elle aille voir ailleurs ceux que la vraie frousse immobilise, qui ne sortent plus et meurent chez eux délaissés de tous.
Tu crains qu’elle ne s’attarde plus sur tes petites suées d’adulte fébrile, face à l’inconnu qui traverse ou te tend la main, face à tes émois, à la merci du jugement des autres.
Elle se détourne pour prêter main forte aux bestialités des hommes impuissants qui jouissent de l’horreur panique de ceux qui subissent interrogatoires, tortures sévices en temps de guerre ou de paix .
Elle passe pour se joindre à l’épouvante qui pétrifie les êtres menacés de pertes, de famines ou de catastrophes imminentes.
Elle passe ta petite frayeur pour aller terroriser et faire trembler les civils des états bouleversés.
Elle passe, complice de la violente et humaine affirmation de soi.
Elle te lâche pour entraver les mouvements libérés et troubler les consciences intègres; pour mieux terroriser et neutraliser les attitudes compatissantes.
Amoureux transi tremblant dans la nuit blanche, elle rit de tes frissons, quand guettant la pleine lune et les signes des constellations tu te lèves, affaibli par le manque de sommeil.
Elle se gausse de ta gauche timidité et de tes pas de trouillard.
Elle passe, avide de se mêler aux foules phobiques et d’emboîter les pas chancelants des soldats défigurés par la proximité de la mort.

Alors, tu dois te rendre à l’évidence, elle te trompera toujours et sa fidélité apparente n’est qu’une illusion qui te berce et dont le rythme te fait frémir dans ta torpeur ouatée de confort et d’amour...

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Photos:Isabelle Raba, Philippe Solviche

Tirages argentiques et peinture céramique sur medium .

60 X 180 cm - 2004-2007

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