Le salaire de la peur
(La sardine, Isadora et le Teuton)
Ça va passer, elle va passer. Elle passe toujours, elle passe la première. Tu la laisses passer devant, ta peur.
Cest ta maîtresse, tes accro, sans elle tu flippes.
Tas peur quelle te laisse, et quelle aille voir ailleurs ceux que la vraie frousse immobilise, qui ne sortent plus et meurent chez eux délaissés de tous.
Tu crains quelle ne sattarde plus sur tes petites suées dadulte fébrile, face à linconnu qui traverse ou te tend la main, face à tes émois, à la merci du jugement des autres.
Elle se détourne pour prêter main forte aux bestialités des hommes impuissants qui jouissent de lhorreur panique de ceux qui subissent interrogatoires, tortures sévices en temps de guerre ou de paix .
Elle passe pour se joindre à lépouvante qui pétrifie les êtres menacés de pertes, de famines ou de catastrophes imminentes.
Elle passe ta petite frayeur pour aller terroriser et faire trembler les civils des états bouleversés.
Elle passe, complice de la violente et humaine affirmation de soi.
Elle te lâche pour entraver les mouvements libérés et troubler les consciences intègres; pour mieux terroriser et neutraliser les attitudes compatissantes. Amoureux transi tremblant dans la nuit blanche, elle rit de tes frissons, quand guettant la pleine lune et les signes des constellations tu te lèves, affaibli par le manque de sommeil.
Elle se gausse de ta gauche timidité et de tes pas de trouillard.
Elle passe, avide de se mêler aux foules phobiques et demboîter les pas chancelants des soldats défigurés par la proximité de la mort.
Alors, tu dois te rendre à lévidence, elle te trompera toujours et sa fidélité apparente nest quune illusion qui te berce et dont le rythme te fait frémir dans ta torpeur ouatée de confort et damour...